Depuis le début de ma grossesse, j’ai tenté d’embrasser un vaste mouvement de lâcher-prise concernant à peu près tout de mes actions. Pour certains, c’est une position plutôt enviable, et l’adoption d’une telle attitude est assez facile à imaginer, mais pour la psycho-rigide que je suis j’avoue que c’était toute une histoire. Me permettre d’être dix fois fois moins exigeante avec moi-même n’a pas été facile, et somme toute, j’ai trouvé l’expérience très agréable, au point qu’à mon avis, elle se prolongera par la suite. Si j’y parviens du moins.
Ce qui a facilité les choses en matière de lâcher-prise, c’est le côté girouette inhérent à la (ou « ma ») grossesse. Plus que jamais, je ne sais pas ce que je veux, je change de tout, je dis noir et après je dis blanc, et je chantonne « Ah non mais vraiment, je ne sais pas choisir », cette chanson que j’ai entendue avec délice en concert avec un début de rondeur au ventre. Plutôt que de me battre avec moi-même, j’ai accepté. J’ai déposé les armes, j’ai commencé des livres que je n’ai pas finis, j’ai eu ma période de lecture du Dictionnaire amoureux de Tintin tous les soirs, abandonnée au profit de lecture de magazines tous les soirs (merci Simple Things d’être le sponsor officiel et généreux de mes soirées), elle-même boudée puis remplacée par la lecture des Faux Monnayeurs, parce que je ne sais pas, comme ça. J’ai commencé Harry Potter 8, et puis il a pris la poussière. J’ai eu envie de certains films, certaines séries, pour que cette envie me quittât au moment du générique. (Dimanche, j’ai même arrêté Alice au pays des Merveilles en plein milieu. J’espère que vous mesurez l’aberration.) J’ai eu envie de m’habiller seulement en rose pâle, puis toujours en noir, j’ai adopté des bijoux qui ne me quittaient plus, pour les enlever brutalement un soir. J’ai eu ma période cheveux toujours détachés, puis cheveux toujours en demi-bun, puis cheveux toujours tressés, puis j’ai coupé hier. J’en ai eu marre d’écouter Chopin en boucle, je suis passée à William Sheller jusqu’à l’overdose, puis à Diana Krall. Mon mari, qui décidément est aux environs du parfait, a participé de cette distance, adoptant lui aussi un élan dans lequel nous considérons tout au fur et à mesure, et demandant sans cesse «tu veux qu’on fasse autre chose?». Je songe à une demande de canonisation.
En matière d’alimentation, même combat. Mon pauvre appétit, plutôt trop faible que trop large, a souffert autant que mon système digestif dans son ensemble. Il m’a dès le début été impossible de planifier mes repas, même une heure à l’avance, au risque de ne manger qu’un petit pois (enfin, à la saison des petits pois, vous suivez. Une lamelle de poireau, pour la synchronicité, si vous préférez.) La seule conduite qui a sauvée (et sauve encore) mon tout petit poids (avec un «d») fut l’abandon total au hic et nunc, et à mes envies de la minute en cours sans réfléchir. Dans l’ensemble, j’ai conscience que je ne mange pas varié à la folie. Enfin, si, disons que mon (gros) bébé, s’il a déjà le sens du goût (paraît-il), connaît très très bien les courges quotidiennes, les poireaux, les carottes, les patates douces, les endives, le pain complet, les châtaignes, les spaghetti et les porridges. Il maîtrise également plutôt pas mal l’oeuf brouillé, le lait d’amande, la pomme cuite, le chocolat, et tout ce qui ne s’apparente pas à ce qui est sain en matière de sucré. (Parce que là, j’ai envie donc je me lâche, tant qu’à faire.) (Certains tirent des conclusions hâtives sur le sexe du bébé. Allez-y.) SAUF que dans tout cela, on ne peut pas piocher au hasard, malheureux. C’est selon les jours. Ah oui, j’oubliais : nous développons à deux une thèse en noix de coco. Sous toutes ses formes. (La soutenance est prévue dans quelques mois.)
Bref, l’autre jour, j’ai eu envie d’un gâteau. Au chocolat. Avec du kaki dedans, et dessus. Et puis je voulais un gâteau un peu régressif, un peu fondant, pas trop sucré (mais libre à vous d’en ajouter). Au final, ça a donné ça, j’en ai mangé trois fois par jour sans m’en lasser, ce qui est plutôt bon signe.
Gâteau chocolat et kaki
-175g de farine de riz
-100g de poudre d’amande
-25g d’Arrow root (ou de Maïzena)
-2 cc de levure
-3càs de cacao ((j’ai utilisé du cacao cru non sucré. Si vous utilisez du cacao sucré, veillez à réduire la quantité de miel. Ou pas après tout.)
-100g de beurre mou (ou d’huile de coco molle)
-1 yaourt
-3 kakis
-3 oeufs
-70g de miel (ou sirop d’agave, d’érable…)
Note : ce gâteau est sans gluten. On peut en faire une version végane, en utilisant un yaourt de soja, et en remplaçant les oeufs par 150g de compote.
Préchauffez votre four à 180°C. Épluchez les kakis. Mixez-en un tel quel, cru. Mélangez dans un grand saladier les farines, le cacao, la levure. Ajoutez le beurre (ou l’huile de coco), puis le yaourt, le kaki mixé, les oeufs, et le miel légèrement fondu. Etalez le mélange dans un plat habillé de papier cuisson, j’ai pris un moule à clafoutis pour avoir un gâteau grand et peu épais. Alignez des tranches de kakis restants sur le dessus et saupoudrez de sésame. Enfournez pour 50 minutes.
Le gâteau se conserve très bien quelques jours, il est délicieux tiède, mais j’adore également sa texture après une nuit au frais.