Ma fille n’aime pas les chats. Elle les montre du doigt, puis elle dit qu’elle a peur avec une main sur le coeur, dans un élan de lucidité et de franchise dont seuls les enfants ont le secret. Je pense souvent à toutes nos peurs cachées. Les miennes, et celles des gens que je rencontre. J’ai une tendresse particulière pour les craintes qui se dessinent dans les profondeurs de l’autre, les îles englouties dont on devine les contours. C’est fou, vous avez remarqué, tout ce que nous craignons, ce magma qui demeure informe s’il n’est pas démêlé par les mots, ce tas de cailloux qui reste dans la nuit s’il n’est pas éclairé par tout le courage de la conscience. Je m’émerveille de ce que ces peurs varient tant, d’un humain à l’autre, et du fait qu’il soit si difficile de les mettre au jour. Et je crois que le monde est bien fait, puisque nous sommes tous plus habiles à rassurer les autres que nous ne le sommes à nous rassurer nous-mêmes. Il en va de la peur comme de ces casse-têtes qui paraissent toujours plus simples à ceux qui les découvrent qu’à ceux qui y travaillent depuis longtemps. Je me demande d’ailleurs s’il y a au monde chose plus belle à faire que d’essayer de prendre les casse-têtes des autres, les démêler, et les remettre dans leurs mains.
La fin de l’été peut toujours venir. Je vous souhaite d’avoir plein de peurs à nommer, et plein de cœurs à rassurer.
